Le Tennessee, c’est la patrie du Blues et de la Folk Music. Dans les rues de Nashville, les bars live jouent des coudes et les touristes se prennent en photo à côté du King. Un fond sonore rock’n’roll à l’image des explorations qui nous attendaient ici. Alors que nous pensions ne passer que rapidement, ces quelques jours se sont transformés en concentré de sensations fortes. En grande partie grâce à Kurt, cet enfant prodige qui en fût le personnage principal.
« C’est marrant que vous veniez ici, d’habitude, je vais explorer ailleurs. Il n’y a pas grand chose à voir à Nashville, et les gens se la racontent grave » dit Kurt quand on le rencontre en centre ville. Lui voudrait déménager à Louisville dans le Kentucky ou encore à Montréal, mais Nashville, devenue entre temps aussi populaire que Los Angeles, ne lui plaît pas. La seule grue qui valait la peine d’être escaladée vient tout juste d’être démontée et tous les beaux bâtiments ont été détruits pendant le renouveau des années 90. Tous sauf un… Union Station. Une gare abandonnée reconvertie en hôtel chic au sommet de laquelle il propose de nous emmener. Son clocher a été conservé et quatre grosses horloges y donnent toujours l’heure à des miles à la ronde. David et moi acceptons les yeux fermés.
Nous passons la porte de l’hôtel avec le naturel requis lors de ce genre d’infiltration. Explorer, c’est aussi un métier d’acteur. Quelques clients prennent encore le brandy sous la verrière du hall, d’époque elle aussi, pendant que nous accédons par un chemin tenu secret au pied de vieux escaliers en bois. « S’ils viennent changer les ampoules de l’horloge, c’est qu’ils jugent l’escalier encore suffisamment fiable » juge Kurt en s’engageant. Pour ma part, je trouve qu’ils penchent un peu quand même. Mais ca valait la peine ! Une fois dans la salle de l’horloge, nos ombres se projettent dans la ville entière à travers le cadran. Tordus de rire, on simule une bagarre pour David qui filme la scène depuis le toit. Il a beau dénigrer sa ville, Kurt nous en donne à voir le meilleur.
Il n’aura pas fallu insister beaucoup pour qu’il se laisse tenter. Le lendemain on se donne rendez-vous au coucher du soleil pour aller à la centrale abandonnée de Hartsville, sans doute l’un des sites les plus extraordinaires à explorer aux Etats-Unis. Plus qu’abandonnée, il faudrait sans doute dire « annulée », car cette centrale n’a jamais été finie. Suite à l’accident nucléaire de Three Miles survenu en 1979 en Pennsylvanie, la construction est stoppée net alors que deux milliards de dollars y ont déjà été engagés. Aujourd’hui, le site est gardé et caché en pleine nature. Il nous faut marcher un moment à travers les ronces avant d’approcher ce titan. Plusieurs structures en béton sont inachevées à côté de la tour de refroidissement. C’est une beauté brute, on dirait du Kandinsky ou du Riciotti. Hypnotisant. Au centre de la tour, nos voix résonnent et l’on reste allongé longtemps en regardant passer les nuages à travers le trou béant. Kurt nous raconte des dizaines d’histoires incroyables sur Nashville et sur son passé. Il est capable d’aller dans les pires endroits et de se faire ami avec les personnes les plus dangereuses qui soient sans problèmes. Pour lui qui rêve de se lancer dans le photojournalisme, c’est un don inestimable. « Do it! » lui dis-je.
C’est un moment magique que l’on prolonge jusqu’au petit matin. Au réveil, David et Kurt commencent l’ascension de la tour. Shinda, qui ne franchit que le premier palier de peur de tomber, regarde les silhouettes se rétrécir à mesure qu’elles grimpent. De là-haut, David voit le Mississipi longer les champs de tabac.
Kurt me fait des grands signes depuis la passerelle plusieurs dizaines de mètres plus haut. « On s’est fait choper » dit-il en redescendant. Le pick-up de la sécurité qui rôdait depuis le matin nous a repéré et il faut filer en vitesse à travers la forêt. Cette fois aussi, on s’en sort indemne.
« C’est quand même plus impressionnant que les ponts de New-York » me dit David en roulant vers Nashville. Kurt est en retard pour le travail et n’a presque pas dormi. On se dit au revoir sur le pas de sa porte.
Avant de partir, David et moi nous sommes promis de passer par la case prison, un classique de Nashville. La Tennessee State Prison est mythique, des dizaines de films et de clips y ont été tournés, sans doute pour ses allures de château féerique et ses miradors du 19e siècle. Après de longues heures caché au bord du chemin de fer pour élaborer un plan, on s’approche par le côté du terrain. Le site n’est pas censé être actif mais un va et vient de voitures inhabituel défile devant la maison du gardien. Très vite, on constate qu’un tournage de film est en train de s’y dérouler. Sans doute Transformers 4, se dit-on… Chance ou malchance, on tente de se faire passer nous aussi pour une partie de l’équipe mais sommes démasqués. Le gardien nous reconduit jusqu’à la sortie dans un véhicule de transport de détenus, qui nous le confirmons, n’ont pas de poignées de portes à l’intérieur !
Merci Kurt d’avoir tant partagé avec nous et au gardien de prison de ne pas nous avoir arrêtés. Ici, la température monte et l’air s’humidifie. 1000 kilomètres plus bas, la Nouvelle Orléans nous envoie déjà ses bonnes vibrations !
Tennessee is the home of Blues and Folk Music. In the streets of Nashville, live music bars stand next to each others and tourists take pictures next to the King. A rock and roll soundtrack for the explorations that were expecting us. While we planned to make quick stop here, these few days have become a concentrate of thrills. Largely thanks to Kurt, who was its main character.
« It’s funny that you come here, usually I go exploring elsewhere. There is not much to do in Nashville, and people are very proud of themselves » said Kurt when we met in the city center. He would rather move to Louisville in Kentucky or in Montreal, than stay in Nashville, which has become as popular as Los Angeles. The only crane that was worth climbing has been dismantled recently and all the beautiful buildings were destroyed during the urban renewal in the 90’s. All except one… The Union Station. An abandoned railway station converted into a posh hotel at the top of which he wants to take us. Its bell tower has been preserved and four large clocks still give the time miles around. David and I accept immediately.
We pass the hotel entrance as if we were regular guests. Explorers sometimes need to be good actors too. Guests are taking the brandy under the canopy of the hall, while we reach the foot of the old wooden stairs through a secret path. « If they change the bulbs in the stairs, it means they consider it’s sufficiently reliable » tells Kurt as he starts going up. For my part, I think they lean a lot. But it was worth it! Once in the clockroom, our shadows are projected into the entire city. We can’t stop laughing and simulate a fight for David who films the scene from the rooftop. If he doesn’t like the city, Kurt gives us the best to see of it.
It did not take much efforts until he accepts. The next day we decide to meet at sunset to go to Hartsville’s abandoned plant, arguably one of the most extraordinary sites to explore in the US. More than abandoned, we should probably say « canceled » because the plant was never finished. After the nuclear accident that occurred in Three Miles in 1979, the construction was stopped while $ 2 billion had already been invested. Today, the site is guarded and hidden in the nature. We need to walk for a while through the brambles before reaching this titan. Many concrete structures are incomplete next to the cooling tower. This is raw beauty, it looks like Kandinsky or Riciotti. Mesmerizing. In the center of the tower, our voices resonate and we lay a long time watching the clouds go through the hole. Kurt tells dozens of incredible stories about Nashville and his past. He is able to go to the worst places and make friends with the most dangerous people without problems. For him who dreams to become a photojournalist, it is a priceless gift. « Do it! » I told him.
We extend this magical moment until the morning. At dawn, David and Kurt begin to climb the tower. Shinda who starts climbing the ladder has to stop for fear of falling. She watches the silhouettes shrink at the top of the tower from the ground. On top, David sees the Mississippi flowing along the tobacco fields.
Kurt waves at me from meters above. « We’re busted » he says on the way down. The security pick-up spotted us and we must vanish quickly through the forest. We escape once more the troubles.
« It is far more impressive than the bridges of New York » says David driving back to Nashville. Kurt is late for work and has hardly slept. We say goodbye on his doorstep.
Before leaving, David and I have promised we would do the prison, a classic in Nashville. The Tennessee State Prison is mythical, dozens of films and music videos have been shot, probably because of its fairytale -like style and its 19th century towers. After a long time hidden along the railroad in order to make a plan, we approach the building on its side. The site is not supposed to be active, but cars pass back and forth in front of the guard’s house. Soon, we notice that a film shoot is being held there. Undoubtedly Transformers 4 we think… Luck or bad luck, we try to pretend we are also part of the film crew, but are unmasked. The guard drives us back to the exit in a detainees vehicle, which we confirm, have no door handles on the inside!
Kurt thank you for sharing so much with us and thanks to the prison guard for not arresting us. Here, the temperature rises and the air becomes moist. 1000 kilometers to the South, New Orleans already sends us its good vibrations!
Salut les amis,
en effet exploration rock’n’roll!!!
jolies chaussures David 😉
bonne continuation les loulous!!!
Quand on voit la tour de la centrale, on comprend que Shinda n’ait pas voulu grimper au sommet.
Endroit fascinant
J’adore vos recits et vos photos! Merci pour ce voyage. Le Tenessee, le Mississipi et tous ces etats du sud sont si pauvre, vous allez certainement faire de superbes visites vers la bas.
Ou et quand pourra-t-on voir plus de vos photos et vos films? On en redemande a chaque fois!
Merci à toi Guilhem ! Le film sortira quelques mois après notre retour, quant aux photos, nous allons travailler sur l’édition d’un livre.
[…] Un peu d’Urbex dans la tour de refroidissement d’une centrale nucléaire désaffectée? […]
Encore 6 mois après, votre site fait parler de lui, est lu et relu par des gens.
Merci de nous faire partager cela, les photos sont d’une puissance…
Bravo pour toutes ces « courses poursuites » aussi, sacrément culottés (pour notre plus grand bonheur) !
v8luks
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