Hundred Sixty Feet Under

Hundred Sixty Feet Under

Plus on s’avance vers l’ouest, plus les distances entre nos étapes se rallongent et plus l’Amérique nous surprend. A bord du van, on a pu se faire une petite place en altitude, des forêts et monts enneigés du Colorado, aux falaises désertiques du Nevada. Entre les deux, on a fait une chute de 50 mètres, au cœur de l’enfer nucléaire. Explo explosive.

Urban Escape | Hundred Sixty Feet Under n°1

En arrivant de Dallas, on est un peu déboussolé. Denver, aussi surnommée Mile-High City, se situe à 1600 mètres d’altitude et la météo annonce les premières neiges pour le lendemain. On n’est pas franchement équipé. Mais là où l’on va, à 15 mètres sous terre, tout cela n’a aucune importance. La région abrite des silos à missiles nucléaires que l’on s’apprête à explorer de nuit. Andrew, Ashley et Micah nous attendent dans un bar sur la Colfax Avenue et profitent de notre passage pour se rendre une fois de plus au silo. « J’y suis allé une bonne dizaine de fois » me dit Micah en chemin.

Pendant la guerre froide, la zone était classée top secret, aujourd’hui les silos rouillent en profondeur sous des propriétés agricoles. Difficile de dire que sous le champ en face de nous se cachait l’un des engins les plus destructeurs que l’homme n’ai jamais construit. Les fermiers couchés, on s’avance en file indienne dans le noir jusqu’au trou béant qui mène à l’entrée. « Il y a pleins de trucs toxiques à l’intérieur et ça sent très mauvais donc je vous conseille de porter ça » dit Andrew en nous tendant des masques. La visite peut commencer et je sens déjà que le demi litre de café englouti plus tôt ne sera pas de trop. Le silo est composé d’un indescriptible dédale de dômes en béton et de tunnels, qui nous permettent peu à peu de comprendre comment ce monde souterrain fonctionnait dans les années 60. Sur les portes blindées, on remarque pleins d’impacts de balles tirées par les gens du coin qui passent leurs soirées ici. « Un vrai feu d’artifice » Ashley, jusque-là plutôt silencieuse se révèle être une experte en armes à feu et nous décrit en détail les douilles retrouvées sur le sol.

Urban Escape | Hundred Sixty Feet Under n°2

A mesure que l’on s’enfonce vers le silo de lancement, l’air devient plus suffocant mais je suis plus concentrée sur mes pas. Pour l’atteindre, il faut parcourir des dizaines de mètres sur de fines poutres de métal au-dessus de l’eau contaminée. Au bout, le tunnel s’arrête enfin sur un immense trou de 50 mètres. Là se trouvait à l’époque un missile nucléaire qui du temps de Kennedy, pouvait effacer n’importe quelle ville de la carte.
« C’est incroyable de se dire que quelque chose qui aurait pu causer autant de destruction à l’époque est aussi inutile aujourd’hui » dit Micah. « Et en plus, il n’a servi que cinq ans. La guerre froide devait être une époque bizarre » continue Andrew.
C’est la première fois que la guerre froide m’intéresse à ce point, ou serait-ce son absurdité.

Urban Escape | Hundred Sixty Feet Under n°3

On ressort vers quatre heures du matin, sains et saufs mais pétris de froid. La neige tombera bientôt sur notre van californien.

Urban Escape | Hundred Sixty Feet Under n°4

En quelques jours, David et moi traversons l’Amérique à l’état sauvage, brute et belle et profitons d’une immensité que l’on n’a pas en Europe. Voir les paysages défiler, changer est quelque chose qu’aucune photo ou mot ne peut vraiment remplacer et je me dis que l’Amérique n’est pas le pays que l’on nous montre aux infos. Ici dans le creux des montagnes, ou au milieu du désert, la route est un spectacle en soi et il semble que rien ne peut venir troubler notre solitude. Si ce n’est la fermeture du congrès américain qui, provoquant une paralysie générale dans tout le pays, nous empêche l’accès aux parcs nationaux. C’est la première fois depuis 17 ans…

Urban Escape | Hundred Sixty Feet Under n°5

Au Blue canyon, on a tout de même pu se plonger dans le décor de 127 heures, le film de Danny Boyle. « 3, 4, 5, 6, 7… » on compte ensemble les minutes du temps de pause de l’appareil. On est là, sous les étoiles et on regarde la terre tourner. What a wonderful world.

The more we drive westward, the longer are the distances between our stops and the more America surprises us. On board our van, we were able to make a small space at high altitude, from the forests and snow-capped mountains of Colorado to the Nevada desert cliffs. In between, we made a 40 miles jump into the ground, in the heart of nuclear hell. Explosive exploration.

Coming from Dallas, we’re a little disoriented. In Denver, also known as Mile High City, the temperature dropped suddenly and the weather forecast announces the first snow for the next day. We are not really well equipped. Whatever, where we go, 15 meters underground, all that doesn’t matter. The region is home to nuclear missile silos that we are ready to explore tonight. Andrew, Ashley and Micah are waiting for us in a bar on Colfax Avenue and take advantage of our way to go once again to the silo. « I have been there a dozen times » said Micah, who is only 18, on the way.

During the Cold War, the area was classified top secret. Now the silo is rusting deep below private farmlands. Hard to guess that in the field in front of us, once hid one of the most destructive machines that man has never built. The farmers are asleep as we walk in line in the dark to the gaping hole that leads to the entrance. « The air is full of toxic gas inside and it smells really bad, so I advise you to wear this » Andrew said, handing us masks. The visit can start and I already feel that the half a liter coffee swallowed earlier will not be too much. The silo consists of a maze of indescribable concrete domes and tunnels, which allow us step by step to understand how this world worked underground in the 60s . The doors are full of bullet holes fired by locals who like to spend evenings there. « A real fireworks » Ashley rather quiet since we met proves to be an expert in firearms and details us the different cartridges on the floor.

As we go deeper to reach the launch, the air becomes suffocating but I’m more focused on my steps. To reach it, we have to travel on dozens of feet of thin metal beams above contaminated water. At the end, of the tunnel finally stops on a huge 160 feet hole. At the time of Kennedy, there was here a missile that could have erased any city on the map.

« It’s amazing to think that something that could have caused so much destruction can be so uselesss at that point » said Micah. « And it was occupied only five years. Cold War must have been a very strange time », continues Andrew. This is the first time that I feel so concerned about the Cold War, or is it its absurdity?

We get out of the ground at 4am, unharmed but steeped in cold. The snow will fall soon on our California van.

Within a few days, David and went through wild America, raw and beautiful and enjoyed the vastness that we lack in Europe. Seeing landscapes unfolding themselves and changing is something that no word or picture can really replace and I think that America is not the country we are shown on the news. Here in the hollow of the mountains or in the desert, the road is a spectacle in itself and it seems that nothing can disturb our solitude. If this is there wasn’t a governement shutdown to forbid us the access to the national parks. This is the first time in 17 years…

At the Blue Canyon, we were still able to dive into the decor of 127 Hours, Danny Boyle’s film. « 3, 4, 5, 6, 7… » we count the minutes of the time exposure. We are there, under the stars watching the world going round. What a wonderful world.

9 Commentaires

  1. PdeR · 08/10/2013 Reply

    Nous ne connaissions pas l’Amérique, mais ce n’est plus le cas.
    Grâce à vous, nous avons visité l’Amérique profonde mais aussi quelques grandes et belles villes
    Ses lieux insolites, superbes, que le commun des mortels ne peut même pas imaginer.
    Un grand merci, et couvrez vous bien
    Une formidable aventure à immortaliser

    P de R

  2. Cécile · 08/10/2013 Reply

    Toujours aussi génialement passionnant… Vous faîtes rêver!!!

  3. adgve · 08/10/2013 Reply

    Au top…!

  4. Florence de Groot · 08/10/2013 Reply

    Grandiose tout cela !

  5. Franck · 09/10/2013 Reply

    Mention spéciale pour tout le texte et toutes les photos.
    Mentions très spéciales pour la deuxième et la toute dernière cependant. Elles représentent des histoires à elles seules..

    Bonne continuation, c’est dingue ce que vous êtes en train de vivre là..

  6. Gilles · 09/10/2013 Reply

    Salut , les explorateurs,

    Je suis désolé de ne pas pouvoir vous envoyer un mot ou suivre au jour le jour votre périple, mais lorsque je me connecte (toujours à la bourre) je suis sur que je vais être en retard au rdv qui suit, car vous lire et scruter toutes ces magnifiques photos ne peut se faire en 5 minutes. Continué comme ça c’est génial.
    Et ! David ! si tu savais comment travaille ma tête en imaginant certaines de ces photos habillant des tour HLM…..
    allez!!! continuez encore, encore, encore………plus..!
    on ne sera jamais rassasié…..merci

  7. Notteghem · 09/10/2013 Reply

    Ca donne envie de prendre la route….. merci encore pour ces beaux textes et ces belles photos! j’arrive mardi prochain à L.A… vous y serez?

    • Urban Escape · 12/10/2013 Reply

      Merci beaucoup! C’est bientôt le retour et ça nous brise le cœur. Heureusement la Californie nous promet une fin en beauté!

  8. Adrien · 23/10/2013 Reply

    Toujours aussi passionnant et envoutant! Bon courage, et bonne continuation!

Commenter