Quand nous nous garons au centre de l’unique avenue qui traverse la ville de Sharon Springs, inutile de dire que notre van scoubidou fait sensation. Populaire après guerre pour les vertus de ses bains sulfureux, Sharon Springs s’est entièrement vidée dans les années 80 pour devenir une petite ville fantôme dotée d’un mini musée et de plusieurs hôtels abandonnés. Parmi les moments fort de ces dix dernières années, la venue d’un show de télé-réalité sur un couple gay s’installant à la ferme et le rachat par les coréens de la moitié de l’immobilier. Les bains impériaux, qui faisaient partie du lot, ont été fermés en 2004 sous couvert d’un projet de restauration resté lettre morte depuis. Ils sont le sujet principal de notre venue ici, à côté de quelques hôtels.
Au milieu de la petite ville de 500 habitants, les bains invitent à la contemplation. Une pancarte y décrit le passé de l’établissement aux quelques touristes qui ont fait le déplacement. Assise sur les marches, j’attends le signal de David qui vient de s’introduire en rampant dans le sous-sol. « Vous êtes la gardienne ? » me dit une touriste canadienne qui aimerait pousser la visite un peu plus loin. « Oui, vos papiers svp »dis-je en rigolant, me gardant bien de confier notre petit secret. Je guette discrètement le « Pssst » de David qui ressort quelques minutes plus tard après avoir assuré l’accès en laissant une fenêtre entrouverte. Mais la lumière commence à baisser et nous remettons l’exploration au lendemain.
On est vendredi à Sharon Springs et la rue est calme quand nous reprenons la visite des bains où nous l’avions laissée. Comme à la banque, deux jolies cabines accueillent les visiteurs dans le hall d’entrée bleu délavé. Passé le tourniquet et son ticket payé, le spa offre une cinquantaine de cabines en bois, chacune dotée de larges baignoires et de lits à massages. Des plaquettes de bingo gisant sur le sol par dizaines devaient distraire les clients en robe de bain. Nous nous promenons à l’intérieur depuis dix minutes, quand soudain la grosse voix du gardien retentit à l’extérieur. « What are you doing here ? » F***. On est coincé. David et moi tentons de prendre la fuite par des chemins opposés. Je me glisse ni vue ni connue par l’arrière où le gardien a laissé la porte de la buanderie ouverte tandis que David saute par la fenêtre. On se retrouve dans la rue en riant et courons vers la voiture. Cette fois c’est sûr, il connaît notre secret et on a même pas eu le temps de faire une photo…
A la recherche d’inspiration pour notre prochaine infiltration, nous allons consulter Richard, un habitant de Sharon Springs rencontré le matin même. La vendeuse du magasin en face de chez lui a bien tenté de me mettre en garde contre cet excentrique, mais Richard m’a tout l’air d’être un personnage passionnant. Dans la maison qu’il a acheté trente ans auparavant, il a accumulé une quantité d’objets récupérés dans les hôtels qui fermaient tour à tour. Des rideaux roses posés pour Marilyn Monroe à l’hôtel Adler, de vieux tickets pour les bains, des perruques et toutes sortes de souvenirs qu’il nous décrit devant la caméra.
Richard explore lui aussi et nous emmène voir l’hôtel Washington qui va bientôt être rasé derrière chez lui. L’image de cet homme de 70 ans marchant dans les ruines me reste en tête depuis. Quand, avant de nous quitter, je lui demande ce qu’il pense du trespassing, il a cette phrase magnifique « You’d better ask for forgiveness than permission » : mieux vaut demander pardon que la permission…
C’est notre nouvelle morale en poche que l’on retourne escalader la fenêtre des bains. Cette fois c’est la bonne et là où les gens recevaient des traitements à l’eau sulfureuse, Shinda s’amuse à prendre la pose. D’après Richard qui y avait ses habitudes, les employés rajoutaient à l’insu des clients du gaz dans l’eau soi-disant bienfaisante. Dans quelques années, Sharon Springs sera peut-être la plaque tournante du tourisme coréen. Ils vont revenir et se mettre au travail dit-on ici.
L’univers intimiste de Sharon Springs est venu changer nos habitudes d’explorateurs cachés. Nous qui nous nous mêlons peu à la population par peur d’être dénoncés ou arrêtés, nous avons trouvé ici les parfaits complices d’un cache-cache entre adultes. Dans le scénario qui s’y est écrit, le gardien des bains, la vendeuse du musée et Richard le voisin nous ont divinement donné la réplique. Seul le sheriff n’a pas eu son mot à dire…
La route continue. Après un stop dans la région des Finger Lakes où l’on a dormi dans un asile abandonné, on fait route vers le lac Ontario. Ici, une fine bande de sable fin fait face au Canada et nous offre un peu plus de dépaysement…
A bientôt !
When we park in the center of the only avenue that crosses the city of Sharon Springs, our scoubidou van made a big sensation. Popular after the war for its sulfur baths, Sharon Springs was completely emptied in the 80’s to become a small ghost town with a mini museum and several abandoned hotels. Among the highlights of the past ten years, a reality TV show about a gay couple settling on the farm and the purchase by the Korean of half of the real estate. The imperial baths, which were part of the sell, were closed in 2004. They are the main reason for our coming here, this and a few hotels.
In front of the Imperial bath, a sign describes the past of the spa establishment to the few tourists who have made the trip. Sitting on the steps, I wait for David’s signal who has just crawled in the basement to find a way in. « Are you the gatekeeper? » says a Canadian tourist who would like to push her visit a little further. « Yes, your ID please » I said, laughing. I’d better keep our little secret. I wait quietly for David’s « Pssst » when he emerges out of the building. He ensured our access by leaving a window open. But the light starts to drop and we decide not to go explore today.
It’s Friday in Sharon Springs and the street is quiet when we take the tour of the baths where we left it the day before. Like at the bank, two beautiful ticketbooth greet visitors in the lobby painted in faded blue. Once your ticket purchased, the spa offers fifty wooden cabins, each with large baths and massage beds. Bingo boards lying on the ground probably entertained customers in bathrobe. We are wandering inside since ten minutes when the loud voice of the care taker resound outside. « What are you doing here? » F *** we’re stuck. David and I try to escape opposite ways. I sneak out through the back door opened by the caretaker while David jumps out of the window. We meet on the street, laughing and running towards the car. This time for sure, he knows our secret and we haven’t taken any picture…
Looking for inspiration for our next infiltration, we went to Richard’s, a neighbour of the bath we met the same morning. The women who owns the thrift shop in front of his, has tried to warn me against this wannabee eccentric, but Richard looks very exciting to me. In the house he bought 30 years ago, he has accumulated an amount of treasures recovered in hotels of the area. The curtains set for Marilyn Monroe in the Adler Hotel, old tickets for the baths, wigs and all kinds of memories that he describes in front of the camera.
Richard also explores and takes us to the Hotel Washington which is going to be torn down. The picture of this 70 year old man walking in the ruins is stuck in my mind since then. When, before we leave, I ask him what he thinks about trespassing, he has this wonderful sentence « It is easier to ask for forgiveness than it is to ask for permission »…
This new philosophy in our pocket, we go climb again the baths window. This time for good. Where people used to receive treatments in sulfur water, Shinda has fun taking pictures. According to Richard, who came frequently here, employees added gas to the so-called healing waters. In a few years, Sharon Spring will be the hub of Korean tourism. In the streets, people say the investors are coming back and get to work very soon.
The intimate world of Sharon Springs has come to change our habits of hidden explorers. Fearing of being arrested or reported, we mostly stay away from people but found here the perfects accomplices for a funny hide and seek among adults. In the screenplay that was played here, only the sheriff did not have a word to say…
The road trip goes on. After a stop in the Finger Lakes region where we slept in an abandoned asylum, we reached the Ontario Lake. Here, a thin strip of sand faces Canada and gives us a little change of scenery…
See you soon!
On ne se lasse pas de lire vos comptes rendus et de regarder vos photos
On vous sent totalement dans votre élément
Bravo et merci